par Corinne Marechal
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20 juillet 2024
Une médecine savante et ouverte sur le spirituel et le magique La civilisation égyptienne, qui s’est déroulée sur plus de 3000 ans, a été l’un des berceaux de l’humanité, notamment en médecine. Dans l'ancienne Egypte, les médecins (les " sinous ") étaient prêtres, comme l’étaient les scribes et les astrologues. Il n'existait pas à proprement parler d'écoles de médecine : la pratique se transmettait de père en fils, ou encore dans certains établissements, appelés « maisons de vie ». Là, le jeune praticien pouvait échanger avec des médecins, des directeurs d'ateliers, où des scribes composaient ou recopiaient des écrits consacrés à la médecine. C’est de ces ateliers que proviennent les papyrus médicaux. Les précurseurs de l’ophtalmologie Un des grands mythes présente Thot, à tête d'ibis, dieu de la science et de la médecine, comme l'ancêtre des ophtalmologistes. C’est lui qui aurait reconstitué l'œil d’Horus, arraché lors de son combat contre Seth, œil que l’on retrouve sous forme d’amulette protectrice, et que l’on appelle Oudjat. La papyrus dit Ebers, daté du XVIe siècle av. J.-C. est une précieuse référence. Il est intitulé " Ici commence le livre relatif à la préparation des médicaments pour toutes les parties du corps" . A la fin du manuscrit on trouve deux petits traités consacrés à l'anatomie et à la physiologie de l'appareil circulatoire. Des traitements et soins savants et renommés, une pharmacopée avec d’innombrables collyres, y ont été répertoriés. On évoque même des opérations de la cataracte. Tout cela démontre une indéniable connaissance des yeux. Un aspect remarquable, c’est le lien établi entre des troubles circulatoires et des troubles visuels : " Il y a quatre vaisseaux dans l'intérieur des tempes qui fournissent le sang aux deux yeux, et ensuite fournissent toutes les humeurs des deux yeux, celles qui lubrifient les deux yeux (…) Les orifices qu'il y a dans le nez sont deux vaisseaux qui conduisent à la cavité de l'œil" . Ebers numéro 854. Dans ce même papyrus on trouve une description de la circulation oculaire assez voisine : " L'homme, il y a en lui 12 vaisseaux de son cœur qui vont à tous ses membres ...Si son cou souffre et que les deux yeux se voilent, ceux-là ce sont les vaisseaux du cou qui ont pris la maladie ...Il y a deux vaisseaux en lui pour le front, il y a deux vaisseaux pour l'œil, il y a deux vaisseaux pour les sourcils ." Analogie du système sanguin avec le Nil Les Egyptiens ont été les premiers à observer que le cœur était « l’organe essentiel de la vie », qu’il se manifestait « en parlant », c’est-à-dire qu’il battait suivant un rythme traduit par le pouls. Et qu’il irriguait toutes les parties du corps, et que des « metu » (vaisseaux ou canaux) partant du cœur, aboutissaient aux membres et aux organes Certains pensent qu’ils auraient fait l’analogie entre le système sanguin et le Nil, artère vitale d'où partaient des canaux qui répartissaient l'eau nécessaire à l'irrigation des champs et des cultures. De même que l'absence de crue, une inondation trop abondante ou trop faible, ou encore le colmatage des canaux d'irrigation compromettaient l'Egypte, de même le mauvais fonctionnement des " metu " mettait en danger le corps humain. Le rôle des embaumeurs Alors qu’il est exclu qu’ils aient pratiqué la dissection, il est fort probable que les médecins aient assisté en tant que témoins aux différentes étapes de la momification auprès des embaumeurs. Ce qui expliquerait qu’ils aient acquis des connaissances que ne possédaient pas les autres peuples de l’Antiquité qui ne momifiaient pas leurs morts. Conception du cœur Le cœur était considéré à la fois comme un organe anatomique, doté d’une importante fonction vitale, et comme un symbole spirituel et religieux. C’est le seul viscère que les embaumeurs devaient impérativement laisser en place après la mort. La conception égyptienne du cœur englobait trois concepts : le cœur- haty , ou muscle cardiaque, le cœur-ib ou intérieur- ib , correspondant au reste de l’organisme, et le cœur spirituel, centre du caractère, de la pensée et de la mémoire. Les pouls ou la marche du cœur Toujours dans ce fameux papyrus Ebers, la relation des pulsations des artères avec les battements cardiaques est nettement établie. La prise de pouls est indiquée, comme un examen, pour évaluer l’état du malade. Les textes laissent entendre qu’un organe ne pouvait fonctionner qu’en étroite association avec les autres. Enfin, dernier point remarquable, est le lien fait entre le cœur émotionnel et le cœur physique. Les défaillances du cœur- haty étaient considérées comme la conséquence d’une souffrance du ib , siège de la pensée, de l’activité intellectuelle, de la conscience qui guide tout humain , qui « parlait » par son intermédiaire. Sources : https://www.snof.org/encyclopedie/egypte-ancienne https://fr.wikipedia.org/wiki/Papyrus_Ebers https://www.medecinesciences.org/en/articles/medsci/full_html/2004/03/medsci2004203p367/medsci2004203p367.html "Hypertension artérielle et naturopathie - La stratégie naturopathique : le bon sens et la logique" de Christian Brun, ed. Éditions Guy Trédaniel, 2016 "La conception du cœur dans l’Égypte ancienne", de Bernard Ziskind, Bruno Halioua, Médecine/Sciences, 2004, n° 20, p. 367-73.